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3.2.2. Stratégie écologique et morphologie des plantes
Les critères liés à la répartition et à l’autécologie ne sont pas les seuls à intervenir dans le choix des végétaux. Les stratégies adaptatives et attributs morphologiques déterminent également le potentiel d’utilisation de bon nombre d’espèces, ainsi que leur capacité à être intégrées dans les différents types d’ouvrage.
3.2.2.1. Des traits communs : une stratégie écologique pionnière

Si de nombreuses espèces de saules présentent ce type de comportement (Salix purpurea, S. elaeagnos, S. triandra, etc.), l’utilisation d’autres ligneux pionniers comme l’aulne vert (Alnus viridis), le bouleau pendant (Betula pendula) ou le tremble (Populus tremula) peut également s’avérer pertinente. Parmi les espèces herbacées on recense l’anthyllide vulnéraire (A. vulneraria), les épilobes (Epilobium spp.), les pétasites (Petasites spp.) ou encore le tussilage (Tussilago farfara – chap. III.5). Ces espèces sont capables de coloniser rapidement les secteurs dénudés, notamment les vides créés par d’éventuelles lacunes de l’ensemencement.
Sensibles à la concurrence d’autres espèces (compétition pour la lumière notamment), les taxons pionniers s’effaceront peu à peu au profit d’espèces plus compétitives. Leur implantation dans un ouvrage permet toutefois d’amorcer la dynamique de végétation favorisant l’installation d’autres espèces plus longévives.
3.2.2.2. Capacité de reproduction végétative

Même si le bouturage de racines constitue un mode de multiplication particulièrement efficace pour certaines espèces ligneuses (Alnus incana, Berberis vulgaris, Corylus avellana, etc.), cette technique reste toutefois peu applicable dans le domaine du génie végétal.
La reproduction végétative constitue également un mode de propagation pour les herbacées. Certaines espèces peuvent ainsi être multipliées à partir de division de touffes ou de boutures de rhizomes. Cette technique peut être particulièrement pertinente pour intégrer des espèces comme la canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), les calamagrostides (Calamagrostis spp.) ou encore les pétasites (Petasites spp.) dans certains ouvrages (fascines d’hélophytes notamment).
3.2.2.3. Capacité à former des racines adventives

Les végétaux présentant cette propriété forment des réseaux racinaires plus importants (fig. 4a), permettant une exploration d’un volume plus élevé du sol et tolérant mieux l’enfouissement, ce qui représente un avantage dans la capacité d’un aménagement à stabiliser un substrat. La capacité à former des racines adventives, permise par la dédifférenciation cellulaire, peut être très variable d’une espèce à l’autre, y compris à l’intérieur d’un même genre. Par exemple, chez les sorbiers (Sorbus spp.), le sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia) en développe abondamment, alors que l’alisier blanc (Sorbus aria) n’en forme pas. Le développement de racines adventives est notamment approprié pour les techniques des lits de plants et plançons (fig. 4b) et des caissons en rondins végétalisés.
Les racines adventives sont des racines se développant à un endroit inhabituel sur la plante, notamment les tiges aériennes. Si dans un premier temps, elles possèdent uniquement un rôle de fixation, elles développent progressivement leur capacité d’absorption pour exercer l’ensemble des fonctions racinaires.
La dédifférenciation cellulaire (ou totipotence) est la régression à l’état embryonnaire d’une cellule différenciée. Elle est susceptible de se produire lorsqu’une cellule a achevé sa différenciation. Elle s’effectue principalement au sein des tissus de réserve de la plante, dits parenchymateux.
La dédifférenciation cellulaire (ou totipotence) est la régression à l’état embryonnaire d’une cellule différenciée. Elle est susceptible de se produire lorsqu’une cellule a achevé sa différenciation. Elle s’effectue principalement au sein des tissus de réserve de la plante, dits parenchymateux.
Même si un aménagement de génie végétal est réalisé pour réduire les risques de glissement ou d’érosion, il n’en demeure pas moins exposé à différentes sollicitations mécaniques en fonction de sa situation et de son positionnement sur la berge. Pour être durable et efficace à long terme, un aménagement doit comporter un maximum de plantes présentant un développement vigoureux. Pour cette raison, certaines aptitudes sont recherchées comme, par exemple, la capacité à rejeter de souche après brisure des tiges aériennes (fig. 5a), à cicatriser rapidement ou à résister à un ensevelissement partiel (fig. 5b).
3.2.2.5. Vitesse d’installation et de croissance
La rapidité d’établissement et de développement des végétaux utilisés dans un aménagement augmente l’efficacité des techniques mises en place. Ceci est d’autant plus vrai que c’est en période initiale de croissance végétale que les techniques peuvent parfois présenter une relative vulnérabilité. Pour les espèces herbacées entrant dans la composition d’un mélange grainier, la faculté de former rapidement une couverture herbacée dense est une caractéristique recherchée afin de limiter le ruissellement et le ravinement.
3.2.2.6. Ancrage du système souterrain
Le principal effet recherché par l’utilisation des végétaux est la stabilisation du sol dérivant du type d’ancrage et de l’évapotranspiration induite par l’activité photosynthétique. Ainsi, les végétaux présentant un rapport élevé entre le volume de l’appareil souterrain et le volume de l’appareil aérien sont à privilégier.
Pour ce qui est des types racinaires, les racines pivotantes se développent en profondeur, tandis que les systèmes traçants et rhizomateux fixent les horizons superficiels du sol. De fait, c’est surtout la combinaison de ces deux types racinaires, permettant d’explorer un plus grand volume de sol et combinant un ancrage vertical et un ancrage horizontal, qui est importante dans l’aménagement. D’autre part, grâce à l’absorption racinaire, les végétaux induisent un second effet stabilisant en participant au drainage du sol.
3.2.2.7. Port et développement

D’autres situations ne sont pas favorables à l’implantation d’essences à fort développement, par exemple lorsqu’un aménagement est proche de bâtiments ou d’infrastructures diverses (route, voie ferrée, digues de protection contre les crues, etc.).
En ce qui concerne les espèces herbacées, les types de port ont aussi une incidence importante sur la stabilisation des berges. Les espèces cespiteuses, formant des touffes plus ou moins denses (comme par exemple Achnatherum calamagrostis, Carex paniculata ou encore Deschampsia cespitosa – fig. 6a), permettent de dissiper l’énergie du courant lors de crues et favorisent ainsi le dépôt de sédiments fins. Les espèces rhizomateuses, formant généralement des tapis (comme Calamagrostis epigeios, Epilobium angustifolium, Petasites spp., Tussilago farfara ou encore Carex frigida – fig. 6b), favoriseront quant à elles la stabilisation et la protection des couches superficielles du sol. Là encore, la combinaison de ces deux types de port permet d’apporter une complémentarité à la couverture du sol (fig. 6 et 7).
Le pied de berge à l’interface terre-eau est un secteur très fréquemment sollicité par les contraintes d’arrachement et le charriage dès qu’une crue, même de faible ampleur, se produit. Là aussi, des ligneux à tiges souples ou se développant en cépées seront plus adaptés que de grands arbres. En effet, des tiges souples freinent le courant sans opposer trop de résistance et ne créent pas de turbulences (fig. 8). À l’inverse, de grands arbres présentant des troncs rigides offrent une densité végétale bien moindre au niveau du sol et constituent des points durs susceptibles de provoquer des turbulences à l’origine de nouvelles érosions (chap. II.3).

Le courant qui, en cas de crue, pénètre une densité végétale élevée, perd de sa compétence. Les contraintes d’arrachement s’en trouvent notablement réduites, ce qui induit parfois des phénomènes de sédimentation (fig. 8).
3.2.2.9. Dimension et physionomie des tiges aériennes
Les aménagements de génie végétal sont le plus souvent constitués de segments de tiges aériennes de dimensions variables en fonction de la technique utilisée voire même, pour chacune d’elles, en fonction de la partie d’ouvrage concernée. Ainsi, des pieux d’un certain diamètre (environ 10 cm), des branches longues et souples, des boutures plus courtes ou encore des ramilles de faible diamètre peuvent être prélevés sur différentes espèces ligneuses, le plus souvent sur des saules (fig. 9a). En fonction de leur stade de croissance et de leur taille, toutes les espèces ne sont pas à même de fournir toutes les qualités de matériaux. Par exemple, il est rare de pouvoir prélever des pieux sur des espèces exclusivement buissonnantes (comme Salix purpurea), voire arbustives (comme Salix myrsinifolia), le diamètre de leurs branches ou de leur tronc atteignant trop rarement les dimensions recherchées.
